La Malédiction d'Hassan Yassin - poème d'un migrant soudanais traduit en français

   La Malédiction

Le mendiant d'Hélène d'Agostino


Je suis une malédiction,
Je suis une malédiction voulue,
Glissant sur ma corde secrète attachée à l'utérus du ciel,
J'entends les cris du vent et les pleurs aux alentours,
Je parle aux fleurs autour de moi et j'admire le chant des murs,
Ces murs de mon isolement infini et
La peur mon amie,
Rien ne me procure le sentiment de sécurité.
Vous les passants devant moi : ne me demandez pas la miséricorde auprès de dieu,
Comme un pécheur qui appelle au secours,
Évitez ma vue,
N'ayez pas pitié de moi.
Donnez-moi juste un sac noir,
Pour que je mette dedans ma défaite et mon mépris,
Pour ensuite le mâcher et l'avaler.
Donnez-moi du feu pour que je brûle mes saletés,
Je suis une carcasse qui vous procure des odeurs désagréables et
La haine à vos corps parfumés des fleurs de Paris,
Je vous procure la haine envers cet humain sale qui a subi toutes les terreurs des guerres.
Je suis une carcasse ou les vers ont trouvé refuge,
Je ne serai pas le dernier de leurs rêves et je ne ferai pas partie de leurs souvenirs,
Je ne connais pas la date de ma mort,
Laissez-moi respirer à fond, fermer les yeux pour les rouvrir dans l'autre monde,
Priez pour que mon heure arrive vite,
Le moindre regard vers moi ne vous procure que dégoût,
Laissez-moi quitter votre monde,
Je n'ai pas d'existence ici,
Je suis un étranger sans identité, sans papiers, un tas de saleté devant vos portes.
Je veux mourir et remettre mon âme dans les mains de dieu,
Je finirai en ange ou en démon, qu'importe.
Que ma mort ne soit pas lente,
Si seulement les fleurs poussaient sur mon cœur,
Parfumaient mes poumons et fardaient les vers qui me rongent de parures multicolores,
Et la mélancolie des carillons des cloches couvriraient les battements de mon cœur.
Que vos prières puissent envelopper ma peur.
Ne l'appelez plus corps,
C'est mon cadavre pourri qui vous observe,
Ce cadavre que vous méprisez !!
Même ces chiens me regardent bizarrement,
Vos chiens bien habillés qui ont une identité et un nom.
Dieu mon préféré, quand est-ce que tu me regarderas avec pitié
Pour ordonner à mon cœur de s'arrêter, mon cœur empli de fleurs emprisonnées,
Son battement me tue. Quoi de pire que le mot réfugié pour nommer un homme ?
Des lambeaux de saleté recouvrent mon corps et l'enveloppent d'une chaleur aux relents pestilentiels,
Vos odeurs agréables dégoûtent les poux qui ont trouvé refuge dans mes cheveux.
Vous les passants devant moi :
Je suis un migrant qui a survécu à la fermentation de la chair en Méditerranée pour pourrir dans les rues de Paris
Ces rues nettoyées au petit matin, et moi là !!!
Je suis le mensonge de ce monde,
Je suis cette part d'humanité médiatisée,
Ils cherchent des stratégies pour se débarrasser de moi,
Ils dépensent des sommes colossales,
Ils ont créé des commissions pour me déraciner.
Alors je ne sais plus si je suis un bout de viande ou un morceau d'asphalte.
Ce monde me procure du mépris,
Comme à mes frères renvoyés à la torture,
Assassinés au nom des conventions internationales.
Ou ceux qui ont échappé aux campements,
Aux empreintes maudites,
Venant des bains de sang Africains pour se retrouver plus bas que terre, mais pourquoi ???
Parce que je suis un réfugié rempli de pourriture,
allongé sans même pouvoir espérer.
Inquiet, je meurs avec le silence des lucioles, caressé par des papillons multicolores.

Hassan Yassin

Commentaires

  1. C'est magnifique. Triste mais magnifique ou magnifique mais triste. Je ne sais. Courage mon ami, mon ami maudit.

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